Henri Prévot
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Quelques réponses aux "climatosceptiques"


Appelons  par convention "climato-sceptiques" ceux qui, pour une raison ou pour une autre, contestent les conclusions des accords de Paris à savoir : il est très important de diminuer les émissions mondiales de CO2 pour éviter des perturbations atmosphériques et une hausse du niveau de la mer qui causeraient de graves dommages à l’humanité.

Répondant à cette définition, il y a une grande diversité :

Huit catégories de "climatosceptiques"

1- ceux qui nient que les scientifiques dont les travaux sont reçus et collationnés par le GIEC sont neutres et fiables ; ils sont sous la dépendance de pouvoirs politiques

2- ceux qui disent que la hausse de température fait partie des fluctuations climatiques normales

3- ceux qui nient que la hausse de la concentration dans l’atmosphère du CO2 soit due aux émissions « anthropiques », c'est-à-dire causées par l’activité humaine

4- ceux qui nient qu’une augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère puisse être la cause d’une hausse de température, celle-ci ne pouvant être causée, directement ou non, que par une modification de l’activité solaire : dit simplement, ceux-là affirment que « l’effet de serre n’existe pas »

5- ceux qui estiment que l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère a des effets favorables largement supérieurs aux méfaits qu’on lui impute

6- ceux qui disent qu’une hausse moyenne de température est bénéfique.

7- ceux qui affirment que les dépenses supplémentaires qu’il faudrait faire pour diminuer les émissions de CO2 pénaliseront lourdement le développement des pays pauvres

8- ceux qui affirment que, ne pouvant pas être parfaitement sûr des effets des émissions de CO2, le plus sage est de supposer qu’ils seront supportables.

9-  et bien d’autres encore.

Une mention spéciale doit être faite des « 22 vérités qui dérangent ». L'auteur est Jean-Pierre Bardinet avec, sauf erreur, le concours de François Gervais et Camille Veyres.

On trouvera ici une réponse à ce texte, réponse qui s’intitule comme de juste « 22 contre-vérités qui exaspèrent ». Cette réponse est signée de deux climatologues Jean Poitou et François-Marie Bréon.

Par ailleurs François Gervais, a écrit un livre, L’innocence du carbone, dont François Marie Bréon a fait une analyse incisive.

Pour ma part, j'ai lu plusieurs livres et articles de climato-sceptiques notoires. J’en ai analysé quelques uns. Ils datent un peu, mais on retrouve dix ans après à peu près les mêmes arguments.

Henri Atlan  

Christian Gérondeau

Benoît Rittaud (le mythe climatique)

Claude Allègre   

 

Quelques mots à l’adresse des différentes  catégories de climato-sceptiques

 
1- Les climatologues ont alerté les politiques et ont dû batailler pour qu’enfin ceux-là prennent la chose au sérieux, du moins en paroles. Il leur aurait été beaucoup plus commode de laisser jouer la loi de l’offre et de la demande d’énergie fossile.

2- les fluctuations de la température sont aujourd’hui très rapides ;  il n’existe pas de modèle qui rende compte de l’évolution récente des températures en supposant qu’il n’y a pas d’effet de serre ; les récentes études ont montré que les fluctuations solaires ne pouvaient pas l’expliquer

3- dès la troisième « vérité qui dérange », on nous affirme que le CO2 émis par l’activité humaine ne peut pas être à l’origine de la hausse de la concentration de CO2 dans l’atmosphère puisqu’il disparaît en moins de cinq ans. C'est confondre durée de résidence dans l'atmosphère d'une molécule de CO2 émise par l'homme et durée de l'effet de l'émission d'une molécule de CO2 par l'homme ; cela mérite un développement particulier.

4- la réalité de « l’effet de serre » : je passe sur le fait que des climatosceptiques ont fortement déclaré que, l’expression « effet de serre » étant inappropriée, le CO2 n’a pas d’effet sur la température ; c’était pousser le nominalisme un peu loin ! Cet argument n’est plus utilisé. Je ne démontrerai pas ici l’effet de serre et je ne discuterai pas les argumentations à allure scientifique qui le nient car je ne les comprends pas vraiment. Néanmoins une présentation faite par Jean-Louis Dufresne et Jacques Treiner me convient bien.

5- la hausse de concentration de CO2 est peut-être la cause d’une plus grande production végétale ; mais celle-ci dépend aussi du régime des eaux, qui sera très perturbé avec nous dit-on des risques de graves sécheresse

6- Nous, en France, pourrons supporter les effets directs d’une hausse de température ; le sort des populations qui seront affectée peut nous laisser indifférents, sauf si elles décident de venir chez nous en très grand nombre

7- Quant aux dépenses, pour répondre aux besoins d’énergie il faudra de toutes façons des investissements colossaux. Pour diminuer les émissions de CO2, il faudra dépenser davantage ; mais la différence représente quelques pourcents seulement du PIB. Le coût dépend des moyens qui seront utilisés. Si le coût est de 4 % du PIB, un PIB mondial de 1000 aujourd’hui, au lieu d’atteindre, sans se préoccuper de diminuer nos émissions, 2400 dans trente ans (une augmentation de 3 % pendant 30 ans), atteindra 2300 (2400 moins 4 % de 2400). Cela sans tenir compte des dommages ou des bénéfices du changement climatique ou du fait qu’on l’aura évité. Ce n’est pas la moindre croissance du PIB qui peut créer des difficultés. C’est l’énorme transfert d’investissements et d’activités d’une technique vers des techniques différentes.
A noter que, pour éviter les émissions de CO2, les moyens les moins coûteux sont le stockage de CO2, le nucléaire et, là où il y a du soleil, le photovoltaïque et les batteries, et aussi les éoliennes là où il y a du vent. Un beau terrain de jeu pour nos industries.

8- Quant à l’incertitude sur les effets des émissions, elle est inévitable. Il n’est certes pas nécessaire de se référer au pari de Pascal ni au principe de précaution pour conclure, au vu des coûts et des risques, qu’il vaut mieux « faire gaffe ». Pour ce qui est de la France, il suffit de constater qu’il y a identité entre la baisse des émissions de CO2 et le renforcement de notre sécurité d’approvisionnement en énergie.


D'une façon générale, chers climato-sceptiques, publiez donc vos thèses et vos démonstrations

Je veux dire : publiez les dans des revues à comité de lecture car elles méritent d'ête lues par des gens en mesure de les évaluer, commenter et critiquer.

Une revue comme les "Comptes-rendus de l'Académie des sciences", section Géosciences, accueillerait volontiers un article de ce genre, d'autant plus volontiers qu'elle est sous la responsabilité de Vincent Courtillot qui semble plutôt favorable aux thèses "climato-sceptiques".

 

Durée de résidence d'une molécule de CO2 dans l'atmosphère et durée de l'effet de l'émission dune molécule de CO2

La hausse de la concentration de CO2 ne peut pas être due aux émissions anthropiques puisque les molécules de CO2 anthropiques disparaissent de l’atmosphère en moins de cinq ans.

C’est une affirmation forte que l’on retrouve dans la troisième « vérité qui dérange ». Elle a l’avantage d’être facilement compréhensible, de même que la « démonstration » dont l’accompagne Camille Veyres.

Le CO2 atmosphérique est formé surtout avec du carbone 12. Il existe aussi des molécules formées avec du carbone 13. Notons les 12CO2 et 13 CO2. Les végétaux préfèrent le 12CO2. Le CO2 anthropique vient de végétaux. Il est donc un peu plus riche en 12CO2 que le carbone tellurique ou cosmique. L’ensemble des émissions anthropiques étant de même ordre de grandeur que le stock de CO2 avant le début de l’ère industrielle, ces émissions doivent faire sentir leurs effets sur le rapport entre 12CO2 et 13 CO2. A partir d’analyses isotopiques, les auteurs de « 22 vérités qui dérangent » calculent que les molécules anthropiques ne résident dans l’atmosphère que moins de cinq ans. Or le GIEC dit que les émissions de CO2 durent cent ans. C’est bien la preuve que le GIEC ment ! Ces auteurs poursuivant leur raisonnement expliquent que l’augmentation de la quantité de CO2 atmosphérique est due à une émission depuis les océans qui elle-même, selon une loi physique simple, est directement liée à la température de l’océan. Les émissions de CO2 par l’activité humaine n’ont donc qu’un effet mineur sur les teneurs en CO2 de l’atmosphère, qui s’expliquent essentiellement par l’activité solaire.

Il y a à mon avis dans ce raisonnement une erreur majeure !

Je ne suis pas scientifique. J’ai seulement la culture scientifique acquise dans notre chère école polytechnique où j’ai été particulièrement sensible à la physique et la chimie statistiques, celles qui invitent à se mettre à la place des particules.

On y apprend que tout équilibre en milieu liquide ou gazeux ou à l’interface entre phases est le résultat macroscopique d’un nombre astronomique de réactions entre ces particules prises généralement deux à deux, parfois trois à trois. Certaines zones océaniques sont, macroscopiquement, émettrices de CO2, d’autres en absorbent mais, en tout endroit, une molécule de CO2 qui vient toucher la surface ou bien est absorbée, ou bien rebondit, ou bien est échangée contre une autre.

Avant les émissions anthropiques il y avait un équilibre du CO2 dissout et du CO2 atmosphérique, cet équilibre était à la fois en teneur et en composition isotopique. Les émissions anthropiques modifient non seulement les teneurs mais aussi le rapport 12CO2/13CO2 atmosphérique donc créent un déséquilibre isotopique avec le CO2 océanique. Les échanges à la surface tendront à retrouver un équilibre. C'est-à-dire que les molécules atmosphérqiues en C12 qui seront remplacées par une molécules en C13 sont plus nombreuses que l’inverse. Ces échanges diminueront donc la quantité der 12CO2 dans l’atmosphère.

Si non e vero... Encore une fois je ne suis pas scientifique mais il est certain que Camille Veyres fait comme si la durée de l’effet d’une émission de CO2 anthropique sur la concentration du CO2 atmosphérique était égale à la durée de résidence de cette molécule dans l’atmosphère

Il n’a pas tenu compte de la remarque que je lui ai faite. On le comprend car cela ruinerait un des piliers de la thèse dont il se fait le théoricien.

Lorsqu'un scientifique ou un commentateurs qui traite de cela dit que la moitié du CO2 émis par l’activité de l’homme est absorbée et que l’autre moitié reste dans l’atmosphère durant cent ans, c'est une façon de parler.  Difficulté de se faire comprendre du plus grand nombre.

D’ailleurs, j’ai remarqué qu’un climatologue bien connu, dans une réunion publique récente, a dit effectivement que « le CO2 reste cent ans dans l’atmosphère » et s’est corrigé mezzo voce en disant que "l’effet d’une émission de CO2 dure cent ans".